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Bienvenue à la trente-deuxième édition du blogue de Montréal hanté. Nos articles paraissent les 13 de chaque mois. Celui de décembre 2017 focalise nos recherches sur une légende urbaine concernant une mystérieuse maison maudite, où la tragédie aurait frappé en 1905. Avec l’hiver qui s’installe, Montréal hanté n’offre plus des visites publiques avant mai 2018. Restez au courant des activités qu’on planifie pour les mois d’hiver !

ENQUÊTE DU PARANORMAL

Selon une légende urbaine persistante du XXe siècle, Montréal aurait eu naguère une maison extrêmement maudite qui fut le site d’une tragédie en 1905.

Bien que son emplacement soit inconnu, plusieurs sources racontent l’histoire terrifiante de Gisèle Fortier, une fillette de 5 ans.

Dans l’horrible histoire, il est narré que Gisèle eut l’infortune d’emménager dans la maison maudite avec ses parents, l’auteur Paul Fortier et sa femme Denise. Paul était excité parce qu’il avait acheté le vieux foyer à très bas prix, en 1905. Le père était content de sa grande maison néo-française, car il croyait qu’elle ferait un endroit idéal pour l’avancement de sa carrière.

Son premier livre, Les champs d’Amaranthe, reçut des critiques positives, l’encourageant à travailler davantage sur sa deuxième oeuvre littéraire.

Tout allait bien jusqu’à ce que Denise se mît à s’inquiéter face à l’activité paranormale qui se manifestait chez eux. Certains jours, en plus d’entendre les rires désincarnés d’enfants, elle se sentait observée par des yeux qui la suivaient. À d’autres moments, la température chutait mystérieusement, et des points froids apparaissaient à l’intérieur de la maison. Perturbée, elle se mit à enquêter sur le passé du lieu.

Ayant parlé à ses voisins, elle fut secouée d’apprendre que la maison était imprégnée de tragédie. Ancienne maison de correction pour enfants rétifs au cours des 1800, l’endroit vit deux de ses garçons tuer le propriétaire et sa femme avant de tout bruler.

Denis apprit que les garçons avaient été arrêtés pour leur crime abject. À la suite des procédures judiciaires, ils furent trouvés coupables et pendus. Bien que la maison fût reconstruite, elle devint supposément hantée. Apparemment, personne n’y voulait vivre, ce qui expliquait la raison pour laquelle Paul avait pu l’acheter à un prix aussi bas.

Quand Denise révéla ses conclusions à son mari, il en fit peu cas. Contrariée, elle se mit à réfléchir sur la solution au problème. Elle décida enfin d’aller voir le prêtre de la paroisse locale et lui demanda d’exorciser la maison afin d’en bannir le fantôme. Le prêtre, sceptique lui aussi, remit ses dires en question, supposant qu’elle peinait à entretenir une aussi grande maison.

Un soir, c’était tendu au foyer après que Paul avait bu toute une bouteille de vin. Sa femme et lui ne s’entendaient plus à cause de l’obsession qu’elle avait pour l’activité paranormale dans la maison et  le refus de Paul d’y croire.

La jeune Gisèle ne voulait pas dormir à cause d’un mystérieux point froid apparu dans son lit la nuit d’avant. Elle suppliait sa mère de l’éloigner de la maison maudite. Denise maintenait que tout irait mieux après le lever du soleil. Elle borda Gisèle, l’embrassa sur la joue et lui dit de ne pas s’inquiéter. Ce serait la dernière fois qu’elle parlerait à sa mère.

Couchée, effrayée, dans le noir, Gisèle tourna et ballota dans son lit.

Peu après, elle se mit à sentir une fumée errante à travers la maison. Elle sauta de son lit et courut dans le couloir jusqu’à la chambre de ses parents. Elle poussa la porte et vit ce qui semblait être un enfer engouffrant la chambre. En scrutant à travers la fumée dense, la première chose qu’elle vit était son père, étendu au sol, dans un bain de sang avec des ciseaux plantés dans son cou.

Gisèle remarqua ensuite une agression sur le lit. Elle vit que sa mère se faisait violemment attaquer par deux garçons nus et spectraux. Leurs corps secouaient sous un rire sans son alors qu’ils enfonçaient leurs poings sur la face de Denise, meurtrie et sanglante.

En pleurant, Gisèle courut immédiatement chez le voisin, et tenta difficilement d’expliquer ce qui lui était arrivé. Malheureusement, les dégâts étaient faits. Son père était déjà mort et sa mère fut trouvée comateuse. Dans un état catatonique, Denise fut emmenée à l’hôpital où les médecins furent incapables de la ranimer. Elle mourut trois mois plus tard.

La police mandatée d’investiguer le cas questionna Gisèle, mais était sceptique au sujet de la description des évènements. Le chef de l’enquête nota qu’il n’y avait eu ni preuve d’incendie ni garçons spectraux. La police, concluant que ç’avait été un cas tragique de violence conjugale, crut que le père avait attaqué la mère dans une rage soûle, et que, durant l’assaut violent, elle s’était défendue avec des ciseaux, tuant son mari. La police crut également que la description donnée par la petite Gisèle n’était pas fondée sur la réalité, mais sur la réponse au traumatisme psychologique subi par l’imagination de l’enfant.

Orpheline et traumatisée, Gisèle irait vivre à Seattle chez ses grands-parents, laissant la maison encore abandonnée.

En 1906, la maison maudite brula une seconde fois, à la suite de quoi elle ne fut jamais rebâtie.

Basées sur la perpétuation de cette légende montréalaise, des questions se posent autant sur son origine que sur sa véracité.

De fait, une légende urbaine est une histoire très étrange. Les folkloristes utilisent le terme pour décrire des histoires d’une douteuse authenticité répandues comme vraies. C’est un conte souvent remâché, supposément vrai et juste assez plausible pour être cru, relatant quelque chose d’horrible, d’humiliant, d’ironique ou d’exaspérant, qui serait peut-être arrivé à quelqu’un.

Le professeur d’anglais, Jan Harold Brunvand de l’Université de l’Utah introduit le terme « légende urbaine » dans une série populaire de livres publiés dans les 1980. Brunvand fit deux points dans sa collection de légendes de 1981, The Vanishing Hitchhiker : American Urban Legends & Their Meanings. D’un, les légendes et le folklore ne naissent pas exclusivement dans les sociétés dites primitives ou traditionnelles, et de deux, les gens peuvent surtout apprendre en étudiant de tels contes urbains et modernes.

Maintes légendes urbaines contiennent des éléments de mystère, d’horreur, de peur ou d’humour, et servent souvent de contes moraux pour enfants et adolescents. Le problème est que la plupart des légendes ne sont tout simplement pas vraies, malgré leur légion de fidèles. Comment ces légendes naissent est souvent inconnu, mais leur capacité de se répandre impressionne. Tel un jeu rompu de téléphone, les légendes urbaines peuvent changer avec le temps, et les gens qui les racontent ajoutent leurs propres partis pris ou préjugés.

On ne peut nier que la légende urbaine de la maison maudite de Montréal a ses fidèles. Encore et encore elle a été publiée dans les livres, les blogues et même dans les clavardoirs variés de l’internet. Pour exemple, en 2012, une personne sous le nom someone98 posta la déclaration suivante sur la légende urbaine sur le site livejournal.com :  « Mes rêves et cauchemars d’enfant ont été hantés par une histoire que j’avais lue dans un livre que mes parents m’avaient acheté. Un livre sur de vraies histoires de fantômes, que j’aimais quand j’étais petit. Ça reste l’histoire la plus troublante et apeurante que j’aie entendue. »

Il est probable que le livre en question soit Haunted America de Micheal Norman et Beth Scott, publié en 1994.

Beth Scott fut une auteure-pigiste à temps plein pour plus de trente-cinq ans et mourut vers le temps de la publication du livre. Micheal Norman, né le 29 juin 1947, est un auteur américain connu pour sa série de livres sur le paranormal tels que Haunted Heartland, Haunted Wisconsin et Haunted Heritage. Une fois contacté dans le but d’avoir ses sources pour « La maison maudite », il ne répondit à aucune demande d’entrevue, en somme, épaississant le mystère.

Suite aux dires que c’est une « vraie histoire de fantôme », en 2012, un site nommé « Scary for Kids » a aussi listé le conte.

Dans un autre cas datant de 2010, Briana Oseguera, une Californienne, posta sur le site ancestry.ca en réponse au message d’un certain Samuel Fortier, qui recherchait sa généalogie familiale. Briana, qui crut à la légende urbaine, torsa plus loin l’histoire en ajoutant un élément ethnique : les deux enfants spectraux du conte originel étaient maintenant décrits comme « des garçons noirs ». Elle a écrit :

« Je suis très désolé d’entendre que vous avez perdu contact avec votre famille, je vous souhaite tous le meilleur. Mais je me demandais si vous connaissiez la famille Fortier en 1905. Ils avaient emménagé dans une maison de correction pour jeunes garçons noirs, bâtie en 1805 pour enfants rétifs. La maison était hantée. Peu après, deux enfants ont tué le directeur et sa femme. Et quand la famille Fortier emménagea sur ce qui était une propriété résidentielle, leur fille vit une figure, et entendit rire et courut vers la chambre de ses parents. »

« Une fois devant ses parents, elle vit deux garçons noirs penchés sur le lit de ses parents, l’un d’eux tenant des ciseaux sanglants. Il s’avère qu’au lit étaient le directeur et sa femme. Gisèle (leur fille) courut chez le voisin, et parla si vite qu’il n’en comprit rien devant sa porte principale. Quand Gisèle regarda sa maison, celle-ci brulait. Et elle vit ses parents morts. Il y a toujours un mystère. Qui alluma le feu ? Les garçons noirs ont-ils tué les parents de Gisèle, ou allumé le feu ? Je suis terriblement désolé que ce message ne soit pas celui que vous attendiez pour votre famille, mais je dois faire ma recherche. Veuillez m’aider si vous connaissez l’histoire de cette famille. Le père se nommait Paul Fortier, la mère Denise Fortier puis leur fille est Gisèle Fortier. Certains disent que c’est arrivé à Montréal, Québec, Canada. Qui peut dire si c’était vraiment un accident ? »

Le fait que les deux garçons étaient noirs dans la version de Briana, soulève des questions sur le racisme inconscient, et s’il avait quelque influence sur sa renarration de l’histoire.

La légende urbaine franchit la frontière linguistique en 2010 lorsqu’elle apparut en français. Scholastic Books publia Lieux hantés 4 : Histoires véridiques d’ici, une traduction directe des livres initiaux de Michael Norman et Beth Scott. Titrée « Les enfants de la nuit », l’histoire parait aux pages 59-62.

En 2016, l’histoire franchit une autre frontière linguistique lorsqu’une blogueuse roumaine Rodica Bretin a écrit “Amintiri Incendiare”, une version détaillée, embellie dans sa langue maternelle.

Il semble que la légende urbaine montréalaise de la maison maudite croisse en popularité malgré son origine douteuse. Pour la sonder à fond, Montréal hanté fit la demande à ses enquêteurs de creuser le plus possible dans toutes les archives pour en trouver les réponses. Après plus d’un mois passé en fouilles variées, ils en revinrent les mains vides.

Simplement dit, il n’y a aucune preuve de l’évènement ; aucun rapport médiatique sur l’accident tragique ; aucun registre médical ; aucun avis des décès de Paul et Denise Fortier ; aucun rapport d’enfants exécutés ni même de preuve que le livre Les champs d’Amaranthe de Paul Fortier n’ait jamais existé.

Les archivistes suggèrent que l’histoire n’était qu’une ruse complexe, signalant sa première apparition dans le tabloïd World Weekly News du 10 novembre 1981 (volume 3, numéro 5). Sous la Une : « Des spectres meurtriers, mortels invités d’une maison d’horreur », raconte en détails sanglants le tabloïdiste Rob Robbins.

D’autres recherches ont révélé que la source originelle de l’histoire, The Weekly World News, n’était largement que fiction de tabloïd publiée aux États-Unis de 1979 à 2007. Malfamés pour ces articles de couverture bizarres, souvent fondés sur le surnaturel ou le paranormal, ses thèmes et son approche de l’actualité frisaient le satirique. The Weekly World News cessa de publier en août 2007, mais son front noir et blanc caractéristique deviendrait des images de la culture pop largement utilisées dans les arts.

On ne sait pourquoi le tabloïdiste américain Rob Robbins choisit Montréal pour siège de l’histoire bizarre, ou une famille francophone pour son protagoniste. Le niveau de précision des détails dans le récit, allant de l’année exacte que fut construite la maison au titre du livre du père, donne force à sa probabilité. Toutefois, outre les apparences, l’histoire n’est rien de plus qu’un article de folliculaire, de « fausses nouvelles ». Comment cette légende urbaine fut-elle capable de se répandre aussi loin et récolter autant de croyants, atteste l’influence de ce type d’histoire. Dans leurs renarrations et embellissements constants, les légendes urbaines ont l’étonnante habileté d’agripper l’imagination du public pour l’en faire parler des années durant. N’importe, l’histoire de la maison maudite de Montréal démontre amplement qu’une légende urbaine a sa propre vie malgré son origine discutable.

BULLETIN DE NOUVELLES

Montréal hanté a la joie d’annoncer qu’une compagnie nommée Feedspot a honoré notre blogue d’un prix pour être l’un des plus populaires à Montréal.

La saison publique derrière nous, Montréal hanté entre en mode hivernal, ce qui veut dire qu’il n’y aura plus de visites publiques avant mai 2018. Toutefois, les visites privées sont offertes pour des groupes de 10 personnes et plus, selon la disponibilité des nos acteurs et les conditions météo.

Nous tenterons de développer des activités pour l’hiver tel qu’une tournée des bars. De fait, un voyage de recherche à Savannah en Géorgie est à point afin d’y explorer les tournées là-bas.

Si vous avez des suggestions pour des activités hantées à faire l’hiver, veuillez nous contacter à info@hauntedmontreal.com.

Un gros merci à tous les clients et clientes qui ont assisté à nos visites hantées cette saison 2017 ! Si vous êtes satisfait(e)s de l’expérience, nous vous encourageons d’écrire une critique sur notre page Tripadvisor : ceci nous aide beaucoup à vendre nos visites. Enfin, si vous souhaitez recevoir le blogue de Montréal hanté les 13 de chaque mois, prière de vous inscrire à notre liste d’envoi.

À venir le 13 janvier : La chasse-galerie

La légende de la chasse-galerie est l’une des plus populaires du folklore québécois. Remontant aux jours de la Nouvelle-France, l’histoire à eu plusieurs versions, la plupart desquelles impliquaient des hommes pécheurs, un canoë volant et un contrat avec le diable. À Montréal, la version la plus commune fut écrite par Honoré Beaugrand, un journaliste, politicien, auteur et folkloriste fameux. Le récit implique des bûcherons de Gatineau qui font un pacte avec le diable afin qu’il donne à leur canoë le pouvoir de voler, leur but étant d’aller retrouver leurs bienaimées dans le village de Lavaltrie pour le jour de l’An. Le diable avertit les hommes qu’ils ne doivent ni jurer, ni boire de l’alcool ou toucher la croix d’une flèche d’église durant le voyage. Quand le canoë vole sur Montréal, il file par les clochers, même les tours de la Basilique Notre-Dame, en route vers Lavaltrie. Au retour, un navigateur ivre et sacrilège nommé Baptiste écrase le canoë dans une clairière enneigée du Mont-Royal, faisant paniquer les hommes qui ont peur pour leurs âmes. Quelles sont les racines de cette légende fantastique et comment est-elle reliée à Montréal ?

Donovan King est un historien, enseignant et acteur professionnel. En tant que fondateur de Montréal hanté, il unit ses talents pour trouver les meilleures histoires de fantômes montréalais, et les livrer par l’écriture et le jeu d’acteur. King déteint un DEC (Interprétation, Collège John Abbot), BFA (Drama-in-Education, Concordia), B.Ed (Histoire et Enseignement de l’anglais, McGill), une MFA (Études théâtrales, Université de Calgary) et une AEC (Guide touristique de Montréal, Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec).

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